Une forme de parabole basque.

Une fois tandis qu'ils allaient par le Pays Basque, Jésus, lui montrant par terre quelque chose, dit à Pierre : « Ramasse de terre ce fer à cheval. » Mais Pierre, à la dérobée, d'un coup de pied, chasse le fer à cheval, en se disant par devers lui-même : « Pourquoi recueillir cette méchante ferraille ? »

Jésus, alors, à la dérobée, lui aussi, releva lui-même le fer, et, en arrivant au village, il le vendit deux sous à un forgeron. Ensuite avec ces deux sous, il acheta des cerises. Il se remirent en route.

Il faisait atrocement chaud. Pierre, la bouche desséchée, regardait de tous côtés, et se disait : « N'allons-nous donc pas voir, par ici, une petite source seulement ? »

Dans ce même moment, et comme si de rien n'était, Jésus laissa tomber de sa poche une cerise. Pierre s'en saisit tout de suite et la porta gloutonnement à la bouche, craignant d'être vu par Jésus.

Un peu plus loin, une fois, deux fois, dix fois, ce fut le même manège encore : Jésus jetait les cerises, et Pierre les mangeait jusqu'à la dernière.

Ils s'arrêtèrent ensuite un instant sous le couvert d'un arbre, et Jésus dit à Pierre : « Si, une fois seulement tu t'étais courbé pour relever le fer à cheval, tu n'aurais pas eu à te baisser vingt fois pour manger les cerises ! »

Jean Barbier, Légendes Basques, Elkar, 2011